Paul Duhem (Blandain, 1919 – Ellignies-Sainte-Anne, 1999) a commencé à peindre sur le tard. Il avait 70 ans quand il franchit pour la première fois les portes de l’atelier de Bruno Gérard, à la Pommeraie, où il résidait depuis déjà une dizaine d’années. Son œuvre, aujourd’hui largement diffusée, est représentée dans de nombreuses collections publiques et privées. Elle tient tout entière dans le geste de dessiner et de peindre ad libitum les mêmes motifs, infiniment repris, toujours identiques et toujours différents, des visages et des portes, essentiellement, les mêmes motifs intérieurs mêmement disposés sur la page – Paul Duhem hoc fecit ! – et chaque fois réenchantés par l’intelligence inépuisée des couleurs et des variations, le geste et le rituel quotidiens de peindre, le même ethos et les mêmes instruments, crayons, pinceaux, équerre et rapporteur, une boîte à sardines, la même, toujours, où sont déposés les pigments. Le matin : trois peintures, et trois autres l’après-midi, ainsi chaque journée d’atelier, pendant dix années, jusqu’au décès de l’artiste, en 1999, le geste de peindre simplement suspendu qui aurait pu infiniment se prolonger. Henri Michaux, dans son bréviaire, Poteaux d’angle, avait donné aux artistes ce simple conseil : « Tenir les rênes courtes ». Peut-on rêver, devant les peintures de Paul Duhem, plus belle résonnance ? Duhem tient les rênes courtes et donne à chacun d’entre nous la liberté d’éprouver, dans la ronde des regards, des visages, des présences, le sentiment de sa propre existence.