La première saison du Trinkhall est consacrée à la thématique du visage. La collection en offre une illustration extraordinairement diverse et d’une bouleversante intensité – comme si, dans le refuge des ateliers, pouvait depuis quarante ans librement se déployer la question même de l’identité. Les images et les sculptures de la collection paraissent traverser toute l’histoire de l’art, hantée, depuis les origines et jusqu’à aujourd’hui, par la figuration des visages. Encore ne sont-ce pas les formes affirmatives ou les plus communément célébratives de la visagéité qui sont ici données à voir, mais toutes ses déclinaisons interrogatives. Les visages de la collection traversent les frontières de l’identité, ils s’effacent, se dédoublent, se déchirent, s’emboîtent ou se multiplient, choses parmi les choses, témoins d’existences fragiles et fragmentées, inquiètes ou jubilantes, emportées dans le mouvement perpétuel des environnements où elles se tiennent. Qu’est-ce qu’un visage ? Qu’est-ce qu’être soi ? Au cœur du musée, les visages de la collection – ceux d’Inès Andouche, d‘Antonio Brizzolari, de Mawuena Kattah, de Pascale Vincke et de tant d’autres - dialoguent avec un crâne surmodelé de Nouvelle-Guinée - Papouasie, un autoportrait de Rembrandt, une figure bricolée de Louis Pons, une lithographie de Bengt Lindström ou de James Ensor, … Nous avons invité, également, des artistes contemporains qui reprennent en images les questions que leur adressent les visages de la collection. Thomas Chable, Hélène Tilman, Anne de Gelas, Dany Danino ou Yvon Vandycke interviennent dans les murs du musée en proposant, chacun, une œuvre qui relaie la thématique du visage. Enfin, des productions du Créahm, conçues et réalisées spécialement pour l’ouverture du musée, inscrivent au plus vif de notre démarche l’art des ateliers tel que, sans cesse, il émerge. Le programme d’expositions « visages/frontières » est une machine à éprouver, à vivre et à penser les vertiges de l’identité.
« Vous est-il arrivé, couché dans l'herbe haute, pesant, terrestre, de considérer les nuages qui passent en tourbillonnant ? Fantômes dodus ou, plus haut, voiles étirés jusqu'au sourire… L'espace est peuplé, peuplé de visages flottants qui se démultiplient, d'abord disséminés puis, bientôt, foisonnants, et qui surgissent encore, vifs ou ondoyants.
Tous ne sont pas identiques mais ils se ressemblent. Ils sont de face, mobiles, imprédictibles, exubérants, sans profondeur, sans corps, sans couleurs. Ils se bousculent. Ils semblent sortis d'une génération anarchique active qui prolifère et enveloppe.
L'espace est peuplé de visages qui travaillent la solitude en silence. » (Lucienne Strivay)