La collection
La collection du Trinkhall est riche de plus de trois mille œuvres, patiemment rassemblées depuis maintenant quarante ans. Elle entretient, certes, certaines affinités très électives avec les grandes collections d’art brut et d’art outsider; mais elle s’en distingue cependant, et par son histoire et par sa physionomie. Pour le dire d’un trait : si les productions artistiques d’atelier sont adjacentes, et comme « tolérées », dans les collections d’art brut et outsider, elles sont centrales dans la collection du Trinkhall. La différence peut paraître seulement circonstancielle. Elle est, en fait, fondamentale et engage, de manière déterminante, l’identité de notre musée, son actualité et l’intérêt exceptionnel de la collection qu’il abrite. Le projet muséal du Trinkhall se fonde sur l’examen critique de la collection, son histoire, sa richesse, sa singularité et la place que nous voulons qu’elle occupe dans le monde de l’art et de la culture, tant au niveau national qu’international. L’extraordinaire diversité de la collection, d’une part, et le fil conducteur de l’atelier, d’autre part, rendent perceptible l’inadéquation des catégories d’usage – art brut ou outsider – à sa définition. Loin de toute perspective essentialiste, l’art en atelier manifeste au contraire l’importance décisive des processus irréductiblement collectifs de la création. A ce titre, l’atelier est une terre d’élection qui permet d’éprouver et de penser les conditions mêmes de l’expression artistique. Dans la marge relative où il se tient, rendant possible ce que nous appelons « la puissance expressive des mondes fragiles », l’atelier est un laboratoire privilégié qui rend intensément visible ce que l’on peut appeler « la condition artistique », en ses dimensions à la fois esthétiques, sociales, culturelles et politiques. La responsabilité du Trinkhall est d’assurer la patrimonialisation, la valorisation et l’étude de ces œuvres, souvent menacées de disparition ou de dispersion, quand elles ne sont pas soumises à la spéculation de galeristes ou de marchands peu scrupuleux. Notre politique d’acquisition s’inscrit directement dans cette perspective : « l’invention » d’œuvres qui nous semblent majeures, si elles ne bénéficient pas encore de la notoriété qu’elles méritent, et destinées à s’inscrire durablement dans le monde de l’art et de la culture. Pour être à la hauteur de cette ambition, il nous faut rassembler des ensembles nominaux cohérents et suffisamment vastes pour permettre leur diffusion et leur étude approfondie. Cette politique d’acquisition suppose une relation étroite de partenariat avec les ateliers où ces œuvres ont été produites. Il ne s’agit pas, insistons-y, d’acquérir pièce à pièce des œuvres dont la réputation est d’ores et déjà pleinement établie, mais de protéger et de promouvoir celles qui sont comme en attente de notoriété. C’est là l’une des missions les plus exaltantes et l’une des responsabilités les plus importantes auxquelles notre musée entend répondre. |