Les nocturnes du Trinkhall * - LAPS Ensemble + KL-EX
* Avec le soutien du Fonds Européen de Développement Régional. Interreg Euregio Meuse-Rhin.
Ce samedi 16 septembre, nous tisserons des liens entre le Trinkhall, ses œuvres emblématiques et les sonorités offertes par deux ensembles musicaux qui fêteront en 2023 leur anniversaire : LAPS, collectif liégeois vibrant au gré de ses 10 ans de vie, et KL-EX (Klang Experiment / expérimentation sonore), jeune ensemble de Eupen soufflant ses cinq bougies - la caractéristique de ces deux groupes étant de proposer un métissage entre musiques instrumentales et musiques électroniques, les laptops étant ici imaginés comme des instruments de musique et non pas comme objets de pure production technologique.
Dès lors, l’humain et ses significations sensibles seront au centre de ce point de jonction entre le visuel et l’auditif. On oserait presque s’appuyer sur Levi-Strauss en se situant sur le fil de l’équilibriste, entre une « pensée sauvage » bricoleuse, assemblant les résidus d’événements faisant partie de notre monde fragmenté et multipolaire, et une « pensée scientifique » se référant aux recherches technologiques qui imposent leurs formes inouïes au projet artistique.
Et puis, en y réfléchissant de plus près, bien des œuvres créées par ces deux ensembles se réclament de manière tellement inconsciente du merveilleux mantra imaginé par Carl Havelange, Directeur du Trinkhall : « invoquer la puissance expressive des mondes fragiles ». Somme toute, les deux projets, visuel et musical, empruntent souvent les mêmes trajets d’une carte géographique exprimant les topographies de l’effort, du risque et de l’émerveillement liées à la notion d’outsider. Certains créateurs ne sont-ils pas eux-mêmes des habitants de ces mondes fragiles, artistes parfois repliés, si pas autistes, dans leur monde irréel pour imaginer les impossibles sonores. De plus, la musique proposée par LAPS et KL-EX n’existerait pas sans la rencontre nécessaire, formative entre les créateurs, les interprètes qui les orientent dans les meilleurs choix instrumentaux possibles et les réalisateurs en informatique musicale qui donnent sens à leurs rêves de sonorités inouïes via les ordinateurs, les fameux laptops. Tout cela sous le couvert de discussions sensibles, comme au sein d’ateliers menant à l’éclosion de l’œuvre qui sera peu à peu découverte, libérée de son voile.
Quant aux œuvres de la soirée, certaines nous parlent de la fragilité de leur projet. A Walnut for Emi, de Claude Ledoux, se construit sur des interjections vocales de la poétesse Emi Kodama. Ses inflexions nous proposent d’imaginer le monde comme une noix dont la coquille pourrait se tenir au creux de notre main. Dure et fragile à la fois, car soumise à notre bon vouloir. Allons-nous l’écraser ou deviendra-t-elle, intacte et respectée, écrin d’un monde de demain à rêver/créer ? L’extrait des Saisons d’Alice Hebborn n’envisage pas la proposition autrement, sinon en revendiquant un « éco-féminisme du sonore » ; rare, précieux. En fin de compte, le visage de la poésie s’y efface pour mieux se découvrir ; et ce repliement comme potentiel d’ouverture nous remémore de nombreuses œuvres picturales du musée.
D’autres œuvres abordent l’inouï, le E-Klavierstück de Gilles Doneux ou la création de Paul Pankert effleurent le côté quasi schizophrénique de l’interprétation sur un clavier électronique, la musicienne étant prise entre le jeu sur les touches en noir en blanc bien connues de son instrument et des sonorités résultantes qui ne cessent de la perturber, de l’envoyer sur des chemins de traverses improbables qui ne correspondent absolument pas aux schémas mentaux d’une pianiste de concert.
Certaines musiques se feront plus urbaines, comme celles de Geoffrey François et de Gregor Pankert (en première audition) tandis que la création de Wolfgang Delnui cherchera son espace d’existence. Sa chanteuse, affublée de son propre haut-parleur individuel, se déplacera et dialoguera avec les œuvres du musée. Le Trinkhall n’est-il pas aussi lieu d’errance positive ?
Au creux de cet événement seront aussi diffusées les musiques créées lors d’ateliers sonores réalisés au sein d’institutions pour personnes fragilisées. Sarah Wery et Alice Hebborn, mentors sensibles de ces moments privilégiés, nous proposerons ainsi quelques échos de ces points de contacts qui les ont bouleversées.
Bref, cette rencontre de désirs communs, sonores, visuels, rappelleront une fois de plus la part fragile qui existe en chacun de nous. Les œuvres du musée nous parlent, nous interrogent. Elles exhalent leur propre musique dont les notes subliminales s’harmoniseront en consonance inouïe avec les créations musicales de la soirée. Gageons que les puissances expressives seront au rendez-vous.
Claude Ledoux
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Nous remercions le Conservatoire Royal de Liège dont trois étudiant·es issu·es de la classe d’interprétation des musiques électroniques mixtes (enseignante : Nao Momitani) qui participeront à cet événement, ainsi que sa directrice Kathleen Coessens. Un grand bravo à ces musicien·nes pour l’enthousiasme qui les caractérise.
Programme (60 min) :
- Gilles Doneux : E-Klavierstück
- Geoffrey François : Beep Box
- Alice Hebborn, Saisons (extraits)
- Claude Ledoux : A Walnut for Emi
- Paul Pankert: création pour Cl basse, E-clavier & electro
- Wolfgang Delnui: création pour soprano & laptop
- Gregor Pankert: création pour violon & DJ-Setup
pré-/inter-/post-lude :
- voyage dans le musée au gré des musiques créées lors d'ateliers sonores en compagnie de personnes fragilisées (ateliers de Sarah Wery et Alice Hebborn)
Musicien·nes du LAPS Ensemble :
Nao Momitani, piano
Rudy Mathey, clarinette
Alice Hebborn, laptop
Gilles Doneux, laptop
Geoffrey François, laptop
Claude Ledoux, laptop
Musicien·nes de KL-EX :
Tina Fischer, soprano
Christian Klinkenberg, electronic live
Paul Pankert, violon, electronic live
Gregor Pankert, electronic live
Musicien·nes du Conservatoire Royal de Liège :
Chloë Baeyens, violon
William Dosogne, percussion
Nel Platiaux, guitare électrique
/// La participation à la soirée est gratuite.